Lourdes à Brain-sur-l’Authion par Jean-Paul Merceron 2023


Rappel historique sur la grotte de Lourdes

Le 11 févier 1858, au pied des Pyrénées, à Lourdes, Bernadette Soubirous, petite bergère de 14 ans, issue d’une famille pauvre et très croyante, reçoit la visite de Marie, mère de Dieu. Ce sont 18 apparitions qui vont suivre. Et dès 1862, Rome reconnaît authentiques les apparitions de Lourdes officialisant le culte à la Vierge.
C’est dans un contexte de restauration catholique que La France au cours du XIXè siècle, va se couvrir de sanctuaires : La rue du Bac (Paris) en 1830, La Salette (Isère) en 1846, Pontmain (Mayenne) en 1871, Pellevoisin (Indre) en 1876... mais c’est aussi, dans ce contexte que de nombreuses congrégations religieuses voient le jour et que de nombreux curés vont vouloir édifier chapelles ou calvaires.

Mais la France se couvre aussi de voies ferrées favorisant les déplacements et modifiant les distances. En 1849, l’arrivée du chemin de fer à Angers, venant de Saumur, avait été un évènement considérable qui allait modifier la vie et les habitudes des Angevins comme des Brainois. C’est dans cet environnement de progrès et de modernité que les voyages à Lourdes vont connaître rapidement un essor extraordinaire. Très vite les pèlerinages se mettent en place et se développent à la vitesse du train suite à différentes guérisons de malades.

Brain 1870 : Un nouveau curé et un nouveau maire.

Le 1er janvier 1870, à Brain-sur-l’Authion, un nouveau curé Henri Aubron prend ses fonctions. Né en 1829 à Villedieu-la-Blouère, après des études dans les collèges de Beaupréau et de Combrée puis au Grand-Séminaire d’Angers, il est ordonné prêtre le 20 décembre 1856 à Angers. Vicaire à Trélazé depuis 1863, il est d’abord nommé vicaire à Brain en 1869 pour remplacer l’abbé Dillé en fin de vie.

La guerre de 1870, la chute du Second empire, l’occupation de la France par les Prussiens, la perte de l’Alsace et de la Lorraine … et la nomination à Brain par le nouveau préfet d’un jeune maire de 26 ans Pierre-Paul Robin ne semblent pas avoir perturbé la vie paroissiale.

Dans le diocèse, dès l’année 1872, à l’initiative de Mgr Freppel, 1 200 pèlerins dont une centaine de prêtres, parmi lesquels peut-être l’abbé Aubron, participent à un premier pèlerinage. Sans doute, s’agit-il d’une participation au premier grand pèlerinage national qui a lieu cette année-là. Lourdes est en effet accessible par le chemin de fer depuis 1866.

Les paroissiens entrainés dans les pèlerinages.

Le curé Aubron devient très vite un curé féru de pèlerinages ; « il organisait régulièrement des pèlerinages auxquels les paroissiens de Brain qui disposaient de quelques ressources ou de quelques loisirs étaient conviés » comme à Notre-Dame-du-Chêne en Sarthe, aux Ardilliers de Saumur, au Marillais près de St Florent ...
Par exemple, en 1873 (et à diverses reprises), le curé Aubron met sur pied un déplacement à Notre-Dame-du-Chêne près de Sablé : un service d’omnibus parfaitement organisé emmène près de 300 Brainois (dont 60 à 80 hommes) à la gare d’Angers d’où, après une heure de chemin de fer, ils arrivent à Sablé.

Des voitures prennent les vieillards et les enfants, et les autres s’élancent bravement sur la route pour deux kilomètres de marche jusqu’au sanctuaire et ce, « derrière la bannière de la paroisse portée par un solide chrétien ». Les cérémonies terminées, les pèlerins se dirigent vers l’abbaye de Solesmes où ils sont reçus par les bénédictins. Après les vêpres, on reprend à pied la direction de la gare de Sablé. Nul doute que les participants n’ont pas dû oublier une telle journée et l’organisation du curé Aubron. « Il faut savoir que certaines personnes avaient dû se lever avant 3 heures du matin ».

Sans qu’on puisse en fixer la date exacte, quelques années plus tôt, « une âme généreuse avait remis au curé Aubron, une somme rondelette qui lui permettait un voyage ad limina en Italie prendre le parfum de Rome ». La paroisse est alors tenue par son vicaire Emile Pion, présent de 1879 à 1895.

Où implanter la grotte ?

Dans cette seconde moitié du XIXè siècle. beaucoup de curés se veulent constructeurs et édifient, croix, calvaires ou chapelles. Sans qu’il y ait concurrence, il y a pléthores d’édifices, puisqu’on compte 12 croix et calvaires implantés sur la commune de Brain ! Quatre sont bénis le même jour par le curé Aubron.

On peut donc penser que l’idée originale de la construction d’une grotte germa dans l’esprit du curé dès son déplacement à Lourdes en 1872. Peut-être était-il même accompagné de quelques paroissiens de Brain ?


La Semaine religieuse de 1904 (page 1071) nous informe que c’est à l’occasion de ses Noces d’Argent célébrés en 1881 que les paroissiens de Brain, grâce à une collecte, offrent au curé Aubron, une reproduction de la Grotte de Massabielle. « Ainsi, les pauvres gens, pourraient-ils, sans bourse déliée, faire aussi leur pèlerinage à Lourdes ». On procure une sorte de dédommagement aux personnes qui ne peuvent faire le pèlerinage en reproduisant sous leurs yeux, avec autant de fidélité que possible, mais bien grossièrement tout de même le lieu témoin des apparitions.

Mais où implanter cette grotte ? Depuis 1860, la famille Goujon a fait ériger au carrefour des routes d’Andard et de l’Authion, une croix en fer avec cette inscription « Souvenir de la famille GOUJON - Priez pour elle. 1860 ». Un plan de Brain dressé en 1874 par l’instituteur Adolphe Gourdon nous indique que ce carrefour était devenu le carrefour de la « Croix-Goujon ». Mais pourquoi la famille Goujon a-t-elle fait ériger cette croix en 1860 alors qu’aucun évènement d’état-civil (naissance, mariage, décès) ne vient marquer cette famille, cette année-là ? De quel malheur a-t-elle été frappée pour qu’elle invite le passant à prier pour elle ?

Toujours est-il que la famille Goujon, propriétaire de l’ensemble des terres de ce secteur offre l’emplacement de la croix pour y édifier la grotte sur sa terre à condition toutefois de remettre la croix … sur la grotte. Par alliance, ces terres et tout ce secteur deviendront plus tard la propriété de la famille Terrier.

La construction de la grotte.

Gilbert Terrier (1936/2010) voisin, savait raconter qu’il tenait de ses parents Joseph (1903/1985) et Germaine (1905/1999) que ses grands-parents avaient contribué à la construction de cette grotte, avaient participé aux charrois de matériaux et étaient allés chercher les pierres en tombereaux à cheval jusqu’à St Lambert (mais lequel ?). Cette pierre spongieuse de type lave est également présente à La Bohalle aux deux petits sanctuaires face à la chapelle de la Salette.



Les parents Terrier avaient raconté également qu’on avait ramené lors d’une fête, la statue de la Vierge dans un tombereau décoré. Cette statue en fonte, comme indiqué à son pied « A. DURENNE – SOMMEVOIRE » provient d’une fonderie d’art, profane et religieux, établie par Antoine Durenne (1822-1895) à Sommevoire en Haute-Marne, près de St Dizier. Il est à noter que ce créateur était un ingénieur des Arts et Métiers formé à Angers.

Nul ne doute que sa consécration a dû avoir lieu soit en février, mois des apparitions de la Vierge à Bernadette, ou plus probablement le 15 août, jour de l’Assomption ?

La plus ancienne réplique du diocèse ?

Si cette réplique de la grotte de Lourdes date de 1881, soit 23 ans seulement après les apparitions, et 19 ans seulement après leur reconnaissance par Rome, cela doit en faire l’une des plus anciennes sinon la plus ancienne du diocèse d’Angers.
En 1875, une première reproduction de la grotte avec statues est peinte sur un mur à l’intérieur de l’église de la Chapelle-Rousselin et en 1880, une statue de la Vierge est ajoutée sur un calvaire de La Tourlandry.


Ainsi, en 1881, la copie de Brain serait donc la réplique de la grotte de Lourdes la plus ancienne en extérieur et la plus ancienne hors-sol, c’est-à-dire hors d’une cavité naturelle.

La grotte du Marillais.

La grotte du Marillais consacrée le 15 août 1885 et en chantier dès 1883, est la première grotte mentionnée dans la Semaine Religieuse. En août 1885, le curé Aubron emmène ses paroissiens au Marillais, soit un aller-retour en train jusqu’à Varades, face à St Florent-le-Vieil « au pied de Notre-Dame l’Angevine », on visite la grotte de Lourdes « aux proportions gigantesques ». Nul doute que les Brainois aient été impressionnés par cette autre vision de la grotte du Marillais, creusée dans le coteau et réplique plus fidèle de celle de Lourdes !

Il est à noter que les autres répliques sont le plus souvent situées dans des lieux escarpés, épousant les formes naturelles de coteaux rustiques et avec un ruisseau coulant à leurs pieds. A Brain, ni rocher, ni rivière à ses pieds, c’est une grotte hors-sol composée de pierres apportées et on peut difficilement prendre l’Authion pour le gave de Pau ! Seules quelques inondations dont celles de 1910 et de 1919 ont du lui mettre les pieds dans l’eau.
Une trentaine3 de grottes seront construites dans les paroisses du diocèse principalement dans le Segréen et les Mauges d’où est originaire Henri Aubron.

Commentaires...

La grotte de Brain a dû effectivement paraître plus dépouillée et moins réaliste aux pèlerins du Marillais. Cette grotte est une pâle copie de la grotte de Lourdes, la Vierge placée à son sommet, n’est pas à la bonne place, n’est pas dans une cavité et la statue de Bernadette est absente de ce sanctuaire brainois4. La croix des Goujon donne l’impression d’un rajout même si elle est présente depuis l’origine. Construction totalement artificielle avec deux vierges, l’une à l’extérieur et l’autre à l’intérieur (ajoutée probablement lors d’une mission) !



Aucun compte-rendu des séances du conseil municipal ou du conseil de fabrique d’avant 1905 ne fait mention de la construction de cette grotte. Non mentionnée dans l’inventaire qui fait suite aux lois de séparation de décembre 1905, elle relevait donc toujours de la famille Goujon/Terrier puisque bâtie sur un terrain privé.
Il n’existe que 2 cartes postales anciennes de cette grotte datant des années 1900/1910 où on la voit déjà sur l’une, envahie par la végétation. Quelques ex-voto posés autrefois sur l’autel mais aujourd’hui disparus signalaient le remerciement des familles brainoises pour des vœux exaucés.

La grotte n’a de plus, jamais été vraiment noircie par la fumée des cierges même si les anciens de la commune se souviennent que durant les deux guerres mondiales, quelques familles y faisaient brûler des bougies ! Un peu de ciment par-ci, par-là indique qu’elle a du, à une époque, être consolidée.

La concurrence de la Réale.

On peut douter que ce sanctuaire (Notre-Dame de la Croix Goujon) ait connu une renommée et un culte important. A cette époque de la fin du XIXè siècle, le pèlerinage à Notre-Dame de La Réale les 25 mars et 3è dimanche de septembre, revêtait un succès plus prestigieux, réunissant des centaines de pèlerins de Brain, Andard, Le Plessis, Foudon, St Sylvain, Pellouailles… etc. De plus, placée dans un carrefour, cette grotte était difficile d’accès pour une cérémonie à moins de bloquer la circulation ce qui est et était peu envisageable !

Malgré tout, la grotte de Brain a dû connaître certes, ses processions au 15 août ou aux Rogations (confirmées dans les années 50) mais sans jamais déplacer les foules. Aucun pèlerinage à date fixe n’est attesté. Il est même surprenant que dans son livre de 1909, l’abbé Boutavant qui a connu sa construction, n’y fasse aucune mention, y portant ainsi peu d’intérêt !

Après 32 ans de présence à Brain, fatigué et âgé de 73 ans, le curé Aubron se retire en 1902 à Angers dans le quartier Saint-Jacques. C’est là qu’il décède le 22 septembre 1904. Mais selon sa volonté, son corps est ramené à Brain-sur-l’Authion où il est inhumé ; sa tombe est toujours visible au cimetière de la commune près de la croix stationnale.

Aujourd’hui.

L’office notarial de Trélazé me confirme en 2015 que cette grotte peu entretenue est toujours sur une « propriété privée » sans vouloir me donner, hélas, le nom du propriétaire ! Mais ont-ils pris le temps de rechercher ? Il semble plutôt que la grotte, suite au remembrement, soit désormais implantée sur un terrain communal.

En 2023, à la demande de paroissiens comme Joël Auzanne, la grotte recouverte d’une végétation abondante est nettoyée par la commune, « l’édifice ne présente pas de dégradations structurelles majeures mais nécessite rapidement des interventions de restauration et d’entretien afin d’en assurer la pérennité ainsi qu’une qualité esthétique digne de son histoire et de son environnement ». La statue de la Vierge d’un poids approximatif de 400 kg (hauteur avec socle 1m77 et sans le socle 1m65) est descendue sur chariot-élévateur.

D’autres paroissiens comme Robert Chevré et Bernard Gautreau repeignent la grille du sanctuaire probablement d’origine (voir les deux cartes postales), puis Robert Chevré, Xavier Landreau et principalement Luc Pontoizeau vont nettoyer et repeindre la statue de fonte … Il est à noter que la Vierge est une vierge en mouvement la jambe droite en avant et la gauche légèrement repliée en arrière comme l’indique aussi la forme du ruban. Ce mouvement donne l’impression qu’elle avance vers nous.

Ces grottes angevines comme celle de Brain témoignent de notre histoire communale et paroissiale mais aussi du retentissement des apparitions de Lourdes au XIXème siècle et des cultes voués à Marie et à Bernadette.